Le designer d'aujourd'hui, paré pour un monde digital

Les designers font de plus en plus face aux images en mouvement, notamment dans le secteur de l’animation ou du Motion Design ; le champ des objets digitaux les entourent et accompagnent au quotidien … focus sur Arduino et Rasperry Pi, au service des professionnels du design. 

Pourquoi faire de l’électronique dans une école de design ?

Si l’on veut parler de l’enseignement de l’électronique, ainsi que des composants et capteurs, dans une école de design, il est intéressant de commencer par faire un pas de côté et de poser la question de la matière que nous enseignons, c’est-à-dire, le Design.

Le mot ‘Design’ est souvent utilisé pour décrire la forme ou l’aspect des objets manufacturés. On entend quelqu’un dire, « C’est très design… ». Or, dans une école nous sommes plus intéressés par le design en tant que verbe, comme une manière de faire, comme un processus vers l’artefact ou la réponse.

Les disciplines que nous enseignons sont souvent qualifiées par la forme de ces artefacts. On parle de Motion Design, de Design Graphique, voire du Game Design. Dans ces cas, il s’agit des spécialisations dans lesquelles les étudiant.e.s vont s’exercer à la fin de leurs études.

Mais afin de les préparer à ces métiers, la formation doit couvrir un tronc commun de processus : comprendre la demande du client, le problème ou le besoin de communication qui est à l’origine de la demande ; l’analyse de ce problème, du contexte, les publics concernés ; la prise en compte de facteurs comme l’impact sociétal ou écologique, l’accessibilité et l’inclusivité ; d’étudier les différentes manières de répondre aux problèmes ; les questions de production, de fabrication et de diffusion… Bien sûr, nous simplifions un peu le parcours, mais il est facile de voir qu’une école de design va bien au-delà de la manière de dessiner de ´petits Mickeys’ …

Si nous voulons former des praticien.ne.s bien préparé.e.s à leurs métiers à venir, ils et elles doivent être bien rodé.e.s à la création, mais aussi il doit y avoir un équilibre à trouver entre le travail d’analyse et de réflexion, et la compréhension des contraintes et méthodes de production.

L’évolution des techniques au sein des formations

Il est donc logique que nous menons les apprenant.e.s à comprendre, par exemple, les processus d’imprimerie, d’abord typographique et par la suite offset, sérigraphie et flexographie, puis, aujourd’hui avec le numérique, la reprographie, la risographie et autres, voire la diffusion immatérielle sur les sites web, les réseaux sociaux, ou les apps ; demain la réalité augmentée ou virtuelle.

Mais le designer d’aujourd’hui ne se borne plus à produire des images fixes. En plus des images en mouvement dans les secteurs de l’animation ou le Motion Design, il y a aussi le champ des objets digitaux qui nous entourent et nous accompagnent. Aujourd’hui les smartphones et leurs interfaces, les sites webs, les bornes et autres écrans, mais aussi les objets connectés, les maisons intelligentes, voire des services dématérialisés. Il y a aussi des objets hybrides, — on parle de ´phygital’, mélange de ´physique‘ (tangible) et digital — pour décrire des produits incorporant les avancées technologiques et la miniaturisation, qui insèrent le digital dans le monde réel. Pour l’ensemble de ces produits et ces services, notre monde a besoin de concepteur.e.s et de designers pour s’occuper non seulement des formes, mais aussi la mise en forme du contenu, voire d’étudier et de cadrer les expériences que ces nouveaux médias rendent possibles.

De la même manière qu’un designer graphique doit comprendre les processus de production et de fabrication spécifiques à sa discipline, ces nouveaux/elles designers doivent comprendre le code et l’électronique qui se cachent derrière les biens et les services digitaux. Même si l’intention n’est pas que nos apprenant.e.s deviennent des ingénieur.e.s ou des programmeurs, ils et elles vont de plus en plus dialoguer avec ces corps de métier, d’égal.e à égal.e. Enfin, il y a un travail citoyen, de réfléchir à l’utilisation et l’impact de ces développements au service de tous.

Mais dans la pratique, comment cela se passe-t-il ?

Il y a une quinzaine d’années, un petit objet électronique, l’Arduino, est sorti d’une école de design italienne pour commencer sa diffusion dans le monde.

Aujourd’hui, Arduino est une toute une famille de cartes à micro-contrôleurs très utilisées pour des activités de loisirs, mais aussi par les écoles d’ingénieurs, de design et d’autres, et parfois même dans des productions industrielles. De plus, il a été rejoint il y a dix ans par une autre carte — britannique celle-ci — la RaspberryPi qui encourage et facilite des utilisations semblables.

L’Arduino

Cette carte trouve son origine dans le projet, appelé Wiring, d’un étudiant d’origine colombienne, nommé Hernando Barragán, à l’Institut du Design d’Interaction à Ivrea, en Italie. Pour son projet de diplôme, Barragán voulait un outil simple et bon marché, accessible aux non-ingénieurs pour des projets digitaux. Son projet était publié sous une licence Open Source. Grâce à cette licence, une autre équipe a adapté son travail pour créer la carte que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Arduino.

La Raspberry Pi

L’initiateur du projet, Eben Upton, ingénieur de formation, et aujourd’hui à la tête de la fondation Raspberry Pi, s’est souvenu d’un ordinateur des années 80 célèbre outre-manche, la BBC Micro. Ces ordinateurs, bon marché et soutenus par des cours déployés par la BBC, sont vus par beaucoup comme étant à l’origine non seulement de beaucoup de vocations, mais aussi de l’industrie britannique de jeu vidéo.

Autour des années 2010, Upton voyait à la fois la complexité croissante des ordinateurs contemporains, mais aussi les prix en conséquence. Il voulait donc concevoir un vrai ordinateur — et non pas seulement une carte contrôleur comme l’Arduino — à un prix permettant de l’offrir gracieusement à l’ensemble des écoles britanniques. Effectivement, à son lancement, le premier modèle se vendait à environ 5 euros, et même aujourd’hui, certains des modèles basiques se vendent à environ 10 euros.

Contrairement à l’Arduino, les cartes Raspberry Pi sont des ordinateurs avec différents systèmes d’exploitation à base de Linux, le même système qui propulse la plupart des serveurs Web, ainsi que beaucoup d’applications industrielles ou embarquées. Sa puce est de technologie ARM, la même qui fournit la puissance de nos smartphones, et de plus en plus, nos ordinateurs portables ou de bureau.

Comme l’Arduino, la Raspberry Pi est entourée d’une très forte communauté de passionnés, mais aussi d’enseignants, d’outils, d’exemples de projets et de code. Aussi comme l’aînée, cette carte possède une série de connecteurs dédiés facilitant la connexion avec divers capteurs et autres dispositifs de contrôle ou d’interaction.

… mais dans une école de Design ?

Ces quarante dernières années, les outils de production du design sont devenus numériques. On est loin des tables à dessin, des équerres et des pistolets, des crayons et des stylos — le tout sur papier ou carton — que nous avons connu lors de nos débuts dans le métier. Mais les designers sont de plus en plus confrontés, non seulement aux logiciels, mais aussi au code. Que ce soit pour affiner les algorithmes et les rendus en 3D ou en vidéo, pour créer les pages web ou des apps, voire parfois directement lors de la création des expériences numériques ou des jeux. De nos jours, un parcours en design passe par le code.

L’utilisation des cartes de type Arduino et Raspberry Pi s’est généralisé ces dix dernières années dans les écoles de design digital, afin de fournir un environnement, non seulement, d’initiation au code adapté aux non-spécialistes, mais aussi à l’électronique, les capteurs et autres composants, pour accompagner le déferlement des objets connectés et autres formes d’informatique embarqué, de plus en plus présents dans nos vies.

Nous devons former les futurs praticiens à penser, non seulement la forme de ces objets, mais aussi les usages et les interactions. Et pour ce faire, il n’y a rien de tel comme pratiquer soi-même, de comprendre quelles sont les briques qui forment ce monde, et de déterminer ces nouveaux usages, objets et utilités.

Nos étudiants prennent ainsi non seulement meilleure conscience de l’environnement numérique qui les entoure, mais aussi les enjeux — sociétaux, environnementaux, culturels — afin de mieux remplir leur rôle de designers parés pour un monde digital.

Pour aller plus loin :
— Le Design, par Stéphane Vial, PUF


Article rédigé par Jonathan Munn, formateur au sein du Campus Fonderie de l’Image

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